Il faut absolument que je vous raconte. Il m’est arrivé quelque chose d’incroyable. Ma lectrice était très amie avec une charmante vieille dame avec laquelle elle parlait de « choses et d’autres ». J’aime beaucoup cette expression : « de choses et d’autres ». Si j’écrivais un livre – ce qui serai un pléonasme, voire une tautologie – je l’appellerais comme ça « De choses et d’autres ». Car c’est comme ça que je pense, en passant du coq-à-l’âne. Tiens, ça aussi, ça ferait un bon titre : « Du coq-à-l’âne ». Sous-titré : les mémoires d’un polar. Enfin ! Revenons à ma grand-mère. Ou plutôt à la vieille dame digne. Ça aussi, ça ferait un bon titre : « La vieille dame digne ». Bon, bon, OK, j’arrête.
Donc, au début, je n’ai pas trop compris ce qu’elle faisait. J’ai honte, j’ai même cru qu’elle était « dame pipi » dans un restaurant. Elle n’arrêtait pas de dire qu’elle restait des heures assises à regarder des gens passer. Et elle parlait de personnes qui revenaient et qu’elle finissait par bien connaître. De plein de pièces d’un euro, qu’elle devait compter le soir pour « faire sa caisse ». Je l’avais imaginée donc dans les toilettes d’un grand restaurant. Ridicule, j’étais ridicule.
En fait, elle est bibliothécaire. Une bibliothèque de village. Un euro, la location de livre pour une durée de un mois, renouvelable gratuitement deux fois. Ne faisant pas partie des grandes biblis reconnues, elle doit se fournir elle-même en livre. Et c’est là que ma lectrice bien-aimée et votre serviteur interviennent. Roulement de tambour : J’ai été donné en cadeau à la bibliothèque municipale de Plouc-sur-Mer ! Non, non, c’est pas une moquerie, c’est bien le nom du village : « Plouc » . Moi, je trouve ça plutôt mignon, non ? La charmante vielle dame a commencé par me lire « pour se faire une religion » avait-elle précisé à ma lectrice, et savoir à qui elle pourrait me recommander. J’ai d’abord compris qu’elle allait en « recommander » et ça m’a fait plaisir, surtout pour Mallock qui n’arrête pas de s’inquiéter et de se lamenter à la vue des chiffres de vente.
Je crois qu’il m’en tient un peu pour responsable, moi qui fait tout pour séduire ! L’ingratitude des écrivains est légendaire. On en parle entre nous, les bouquins, comme de l’illettrisme croissant des lecteurs, l’amateurisme alarmant des libraires et le manque de couille des éditeurs. Revenons à ma petite dame. Et bien figurez-vous qu’elle n’a pas eu peur, pas joué ses bêcheuses devant le sang et les morts. En fait… elle m’a A-DO-RÉ !
Et c’est là que les choses ont pris une drôle de tournure…
À suivre ici même…