« Le Puits aux Hirondelles »
Tome 3 des Chroniques barbares repoussé au 1er Octobre
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Lundi 11 novembre : Vol : AF 380.
Mallock est seul, allongé sous une rangée de cocotiers aux palmes manucurées. Leurs troncs courbés surgissent, survivants, d’un sable troublant, presque trop blanc. Ils se dressent vers le ciel pour y trouver le vent. Après la plage, il y a la mer tropicale, et son fils qui nage dedans. Depuis qu’il est mort, il n’a pas grandi. Il a toujours ses cinq ans et les yeux absinthes de son père, iris assortis aux vagues de la mer. Voilà Thomas, son petit Tom, son petit bonhomme, dans l’eau tiède atlantique abritée par le riff, mer amniotique, toute en transparences. Voilà Thomas Mallock ! Parmi les crabes bleus, grands coureurs de travers, les hippocampes et les microscopiques méduses d’argent. Regardez-le ! Dans cette mer-là, c’est Thomas que voilà. Il vole, son petit ange, mon Dieu qu’il vole son enfant, sur les vagues de verre limpides de la mer. Tandis que son papa commissaire sourit tendrement, étonné seulement de se sentir si bien, en plein soleil, dans son lourd costume de ville rayé par l’ombre des palmiers…
– Monsieur, votre tablette s’il vous plaît ?
Mallock se réveille en sueur. Il dit : « Pardon », en rabattant vers lui la tablette grise.
– Je suis vraiment désolé de vous avoir réveillé, mais on va bientôt distribuer les plateaux-repas.
L’hôtesse a une petite cicatrice au front et un gentil sourire.
– Non, non, vous avez bien fait, sourit Mallock.
De toute façon, tant qu’il vivrait, son fils resterait mort.
…/…