1) Mallock est un homme solitaire qui aime la mer ?
Le monde fait trop de bruits, ses souvenirs aussi. Le commissaire Mallock aime la solitude et le silence. Depuis la disparition de son fils, il est inconsolable. S’il continue à faire la cuisine c’est plus par habitude, un peu comme un poulet décapité qui continuerait à courir. On se bat, on se débat, et ça devient notre vie : un champs de bataille encombré de victoires et de deuils.
2) Le modele de roman policier pour vous. Simenon ou Thomas Harris ?
Plutôt un mélange de Thomas Harris, de Céline et d’Albert Cohen, plus divers colorants alimentaires, 10% de graisse animale. Excipients : 0,00002 % de fausse modestie sous forme de traces résiduelles.
3) – L’opinion du commissaire sur les journalistes est terrible. Selon vous la démagogie a pris la place de l’objectivité et les journalistes ne pensent qu’ à satisfaire leur rédacteur en chef. Est-ce vraiment comme ça la situation de la presse en France aujourd’hui ?
Les journalistes sont asservis (Oooops ! Ça, ça va pas être bon pour avoir des chroniques), tout à la fois à leur rédaction et à une pensée dominante, dangereuse et chiante, une bien-pensance puissante qui nivèle tout. Le conformisme intellectuel, le marketing du spectaculaire, le politiquement correct, la loi du marché et l’hypocrisie règnent désormais en maitre. Tout ça fait un énorme foutoir où la vérité n’a plus droit de cité… d’être citée. Liberté d’expression ? Je parlerai plutôt d’une « impression de liberté ». On polémique, on s’indigne, on dénonce… l’autocensure bat son plein et la censure, pure et dure, n’est pas loin.
4) – Votre style d’écriture est très puissant et particulier. Quelle est l’importance de la forme pour vous ?
J’ai toujours voulu devenir romancier, notamment par amour de la langue, du style. Signer mon premier roman aux prestigieuses éditions du SEUIL, il y a bientôt 20 ans, a été un rêve d’enfant devenu réalité. À mes yeux écrire, c’est avant tout « donner des émotions ». Les messages ethno-moraux-politico-sociaux ont trop longtemps envahi les polars au détriment de l’originalité de l’intrigue et de la qualité d’écriture. L’écrivain doit déjà, en toute humilité, offrir au lecteur le simple plaisir d’un beau, grand et unique voyage…inouï et immobile. Alors j’essaye de raconter l’histoire la plus originale qui soit, tout en tentant de faire « œuvre littéraire ». Un écrivain doit avoir un style bien à lui avec une musique qui lui est propre, ses « métaphores obsédantes » et une ambiance parfaitement identifiable, une « patte », une « plume ». C’est ce qui m’améne à consacrer environ 3 ans par livre (et devoir abandonné à la porte toute notion de rentabilité).
5) – Ses journaux préférés : Paris Match ? Liberation ? Le Monde ?
Aucun. Pourquoi s’encombrer des mensonges des autres ? On a déjà bien assez à faire avec les nôtres.
6) – Combien de temps a-t-il fallu pour écrire « Les visages de Dieu » ? Et pour vous, Dieu existe-t-il ?
« Les Visages de Dieu » étant le premier, j’ai travaillé dessus pendant environ 7 ans. Réflexions, documentations, plans, différentes versions, etc. Quant à Dieu, comme disait Woody, je ne crois pas en une vie après la mort, mais j’emporterai malgré tout une petite laine.
7) – Votre journée typique ?
À part m’occuper de ma femme chérie qui m’accompagne depuis plus de 40 ans, de mes amours de fils et de mon chat, j’écris, j’écris, j’écris… Quand je veux me détendre, je fais de la photo, de la peinture ou de la musique. (confer mon site : mallock.fr). Créer m’évite quotidiennement de devenir fou. Bien que mes amis et mes enfants prétendent que ce soit trop tard 😀
8) – Pourquoi un pseudo ?
J’utilise « Bruet-Ferreol », mon véritable nom, pour tous mes travaux de créations commerciales (design, campagnes de pub…) et j’utilise « Mallock » comme nom d’artiste au bas de mes toiles, mes musiques ou de mes photos. J’ai donné le même nom à mon personnage car l’idée m’amusait et que tout le monde me disait que ça ne se faisait pas. Mallock est un sale gosse.
9) – Combien d’emplois avez-vous fait dans la vie ?
Graphiste, peintre, photographe, designer, directeur de création, inventeur, compositeur… en fait, c’est un seul : créateur !
10) – Que lisez vous a la nuit avant de vous endormir ? Quel sont vos écrivain musiciens et peintres préférés ?
Avant de m’endormir, je programme mon cerveau en relisant le plan de ce que j’aurais à écrire le lendemain. Je repasse souvent en revue également le « grand plan ». Celui de ma série. « Les Visages de Dieu » étant le premier de 7 romans : « Les chroniques barbares » (J’en suis au 5° en France). Sinon, j’adore un nombre infini de peintres. Les impressionnistes, de Van Gogh au fabuleux Matis, les « fauves », les expressionnistes allemands comme Egon Schielle, mais aussi les plus anciens, notamment les italiens de la renaissances comme ce fou-furieux-génial de Michel-Ange. Pareil pour la musique, où, là encore une fois, l’Italie a une place toute particulière dans mon cœur, des concertos de la renaissances au opéras : Marcello, Bellini, Puccini, Verdi ou Catalani. Mais j’aime en fait « absolument toutes » les musiques, du Jazz à Brian Eno, des Beatles (dont je suis un maniaque) à Brel ou Bowie.
11) – Ses plats préférés.
Oursins, tête et ris de veau, cuisses de grenouilles et spaghettis alle vongole.
12) – Que pensez vous de Francois Hollande ? Ses malheurs lui avaient fait perdre beaucoup de succès et aussi sa politique un peu fragile. Il a récupéré un consensus avec le massacre de Charlie ? Mais est-ce vraiment un homme d’État ou seulement quell’opportunista décrit par son ancien partenaire ?
Pour rester sobre : un triste clown !
13) – La médecine vous fascine ? Comme vous documentez-vous avant d’écrire un roman ? Quand écrivez-vous ? La nuit ?
J’écris « tout le temps » et je me documente en permanence tout en faisant de multiples recoupements sur chaque sujet que je m’apprête à aborder dans mes livres. Google et Internet m’ont d’ailleurs sauvé de la ruine : pour les « Visages de Dieu », je me suis rendu compte que j’avais à l’époque acheté plus d’une centaine de livres, tant sur les armes et les religions que sur la médecine légale : une petite fortune. (rire)
14) – Le meilleur auteur de romans criminels ?
Je ne lis plus rien depuis bientôt 30 ans, sauf les textes/documentations en rapport avec mes livres. D’une part pour ne pas perdre de temps mais aussi pour ne pas « sortir » de mes romans. Pendant les 3 ans d’accouchement, je ne pense qu’à mon récit. Plan, écriture ou correction, j’ai l’impression qu’il me faut le « hanter » pour que l’œuvre ait toute sa densité, sa cohérence et sa profondeur, tant psychologique que mythologique.
15) – Ne pensez pas que la combinaison cuisine et roman policier est un peu galvaudé ?
Oui, en effet. Je l’ai découvert. Mais comme je ne lisais pas les autres, je ne m’en étais pas rendu compte. Bien fait pour moi !
16) – Que signifie pour vous le 36 Quai des Orfevres ?
Un gros travail de recherche que j’ai du faire au sujet de cette vénérable institution pour ne pas dire de bêtise. Mais aussi un nom : Claude Cancès qui a longtemps été directeur du « 36 », un type bien et adorable, qui devenu un ami.
17) – La mer est vraiment si importante pour vous ?
……… le jour, mes yeux en ont besoin, et mes oreilles, la nuit.
18) – Le roman est absolument extraordinaire. Comment parvenez-vous à mettre autant de chaleur dans un récit si cru et réaliste ?
C’est un processus de travail en 5 étapes. La première consiste à trouver l’idée. Elle doit être originale, métaphorique, bouleversante et surtout échapper à tous les clichés et « déjà vus ». Seule la première histoire : « Les Visages de Dieu » a un peu perdu de son originalité du fait des livres et film parus depuis sa toute première version (Dépôt datant de 1988). La deuxième partie consiste à construire un plan détaillé. C’est un travail qui se déroule en parallèle de l’écriture du livre précédent, et qui s’étale sur 3 à 4 mois. La troisième partie, le travail de recherche, prend 2 à 3 mois, tout en sachant que ce travail se poursuivra tout au long de l’écriture du livre, et au fur et à mesure des besoins. Historiques, techniques, géographiques, médicaux… tous les détails se doivent d’être parfaitement précis et recoupés en utilisant plusieurs sources. C’est par l’accumulation de détails véridiques que l’on met le lecteur en « suspension d’incrédulité » et que l’on rend la dramaturgie crédible… même s’il est à la limite du fantastique. Au moment de la relecture, on se doit de retirer les trois-quarts des pages nées de cette recherche. D’expérience, c’est souvent passionnant, mais ça ralentit le récit. De toute façon, même supprimés, il en restera une trace… ne serait-ce que subliminale. La quatrième partie consiste à rédiger la première version du roman. Ma cinquième partie consiste à revenir impitoyablement sur ce premier jet et faire une deuxième puis une troisième version. Ce sera cette dernière qui servira de base aux corrections. Tout le long de ce processus, les personnages, et notamment le commissaire Mallock doivent « vivre » intensément la narrations et nous confier leurs émotions les plus intimes.
19) – Il y a de Sherlock Holmes dans Mallock ?
Sherlock Holmes étant dans mon inconscient, il est forcément entré dans ce pauvre commissaire Amédée Mallock, comme Harry Dickson ou Maigret, mais pas plus que ça. Je crois impossible d’essayer de nier ma paternité et le poids de ma responsabilité en accusant un étranger innocent.
20) – Le meilleur coucher de soleil de sa vie ? Sa marque préférée de cigares ? Ses calvados préférés ?
J’aime tous les bons cigares, et pas seulement Havane, comme tous les bons vins, et pas seulement français, ou les bons whiskys, il est rare qu’une seule marque puisse s’arroger une première place, qui à mes yeux ne signifie pas grand chose. Chaque soir, sur la mer, les couchers de soleil se succèdent, différents, et ils sont merveilleux. Qui oserait dire à Dieu : c’est celui d’hier qui était le meilleur de tous, laisse tomber pour demain, mon gars, même avec la meilleur volonté du monde, tu pourras pas faire mieux ?