On parle souvent de la peur devant la page blanche. L’ayant si souvent affrontée, moi, Mallock, je dis : même pas peur ! Tout au contraire, j’ai une envie dévorante d’elle, sa virginité à déflorer avec des mots pénétrants. Des phrases qui tachent et l’embrassent.
On parle souvent de la peur de l’éditeur. Pas de sa peur à lui, celle de l’écrivain qui est terrorisé à l’idée de ne jamais en trouver un. Les envois désespérés par la poste, les lettres types qui répondent à sa place. Comme tous, j’ai un peu connu ce désarroi, mais j’ai eu beaucoup de chances aussi et nombre d’entre eux ont proposé de m’accueillir chez eux. Et puis, il y a eu le SEUIL, la « légion d’honneur de l’écrivain » même si elle s’est avérée être… en chocolat.
Mais l’on parle moins souvent de la peur de la vitrine. Celle-là, ce n’est pas l’auteur qui la ressent, c’est le livre lui-même. Arrivé tout frais pressé, tout fier dans ses habits de lumière, le voilà qui attend au fond de sa boîte en carton les bras solides ou les jolies mains qui le mettront DERRIÈRE LA VITRINE sous les néons de la gloire. Mais voilà, on ne l’attend pas et il reste parfois au cachot pendant des jours et des semaines, lui qui pensait ne pas avoir fait de mal. Puis un jour, forcément, on finit par ouvrir le dernier carton et on l’emporte sur le devant de la scène…
Mais je vais plutôt laisser mon livre, « Le massacre des innocents », vous raconter directement ce qui lui est arrivé et la peur qui lui soulève encore le cœur alors qu’il survit et attend DERRIÈRE LA VITRINE !
Mon père géniteur avait mis la dernière main sur moi, en accolant à ma couverture l’image un peu terrifiante (en tout cas, elle me fait un peu peur) d’un singe frappant des cymbales. Et je suis parti tout excité pour les fameuses librairies et autres acronymes exotiques : amazon, fnaque, les virgines… Arrivé sur place, j’ai parfois été mis en quarantaine. J’ai supposé que c’était une mesure d’hygiène et, je vous le jure, pour ne pas faire de tort à mon Mallock de père, je n’ai pas dit un mot. Je suis resté dans l’obscurité silencieux. Et pourtant, j’en avais des choses à raconter !
Brusquement, la lumière. Éblouissante. Je crois avoir poussé un cri. Puis j’ai fini par distinguer tous ces visages penchés sur moi. Ils me regardaient, comme… un nouveau né. J’allais donc enfin être aimé !
A SUIVRE !…